
L’accrochage et la matière
Chaque exposition est différente, chaque artiste est différent. En vue de la diversité de nos artistes aujourd’hui, nous devons nous adapter à chaque accrochage. Une peinture ne demandera pas le même traitement qu’une sculpture, et comment accrocher un marbre au mur ? L’objectif est de répondre au besoin de chaque pratique.
Travailler la matière
L’exposition « Je me suis approchée d’une pierre, je l’ai écoutée me parler » présente l’œuvre du duo Sand of Noises. Une approche expérimentale de la photographie faisant intervenir la matière. Le support lui-même devient une approche artistique. Nous retrouvons d’abord un format papier particulier, mais très vite nous constatons des impressions inhabituelles. Comme des morceaux de roche brute exposés. Dessus, nous distinguons des motifs difficilement identifiables au premier coup d’œil, puis se révèlent à nous des figures et des formes, un paysage à même la matière. Nous ne touchons pas mais nous pouvons imaginer la froideur de la pierre. Dans un premier temps nous observons sur trois blocs de béton des détails d’un Triomphe de la mort, avec la mort chevauchant son destrier. Cette cristallisation du sujet n’est pas sans évoqué son histoire, nous retrouvons sur la photographie des traces de découpes datant de la seconde mondiale et conservé par le régime nazi. Cette manière de faire ressortir le sujet sur un support presque archéologique fait ressortir la modification de son histoire comme une nouvelle fossilisation.
Le marbre comme matière du souvenir
Le duo, dans son exploration de la matière minérale, a souhaité intégrer leurs expériences sur le marbre. Ce matériau noble représente le fruit du travail de la nature sur des millions d’années, sa teinte si particulière est reconnaissable. Lors d’un voyage en Italie, Marie Hervé et Elsa Martinez ont eu connaissance d’une ancienne carrière de marbre, aujourd’hui totalement abandonnée et interdite au public. Ce marbre de Custonaci fut utilisé pendant longtemps pour la construction d’églises et de grandes bâtisses. Elles ont réussi à trouver un guide dans la ville la plus proche et ont pu finalement pénétrer dans l’enceinte de la carrière. Naturellement, elles ont pris des photos mais elles ne sont pas reparties les mains vides, emportant plusieurs morceaux de marbre. Une des photo prise montre un paysage absent de vie, juste une nature silencieuse. Cette photo, les artistes, avec une technique de sérigraphie l’ont imprimé sur le marbre récupéré, ainsi une étrange mise en abîme s’applique à l’œuvre. Comme le souvenir imprimé à même la matière qui a vécu.
Le marbre est une matière qui a fréquemment été sollicité dans l’histoire de l’art depuis la Renaissance par des sculptures de prestige. Cependant, dans l’art contemporain, le marbre continue d’être utilisé de différentes manières, mais souvent avec une approche plus expérimentale et conceptuelle. Les artistes contemporains explorent les propriétés physiques du marbre et utilisent son esthétique pour créer des œuvres qui remettent en question les conventions traditionnelles.
De plus, le marbre est souvent utilisé comme symbole dans l’art contemporain. Sa nature durable et sa résistance au temps sont souvent associées à des thèmes tels que la mémoire, l’histoire et l’héritage culturel. Les artistes peuvent utiliser le marbre pour évoquer des idées de permanence et de fragilité, de contraste entre la force physique de la pierre et sa vulnérabilité face aux forces naturelles.
Présenter la matière
Originellement, ces marbres étaient présentés à même le sol, comme des vestiges sortis de la terre. Cependant, pour cette exposition, les artistes ont eu la volonté de présenter les fragments à même un mur, repeint pour l’occasion. Ces objets de la nature n’ont pas d’accroche, nous nous sommes donc interrogés sur la problématique de la présentation. Évidemment, il n’était pas concevable de percer les morceaux afin d’y poser un support, il a donc fallu trouver une alternative. Une première hypothèse était d’apposer un papier à dos bleu sur le verso de l’œuvre contre le mur. Il s’agit d’un papier destiné à recevoir de la colle afin de se fixer sur une surface. Cependant, l’idée fut finalement abandonnée car le fait de coller un papier à l’œuvre n’est pas idéal. Nous avons ensuite suggéré l’idée de fixer des aimants dans le mur d’accueil et sur l’œuvre, une idée qui rendra l’accrochage totalement invisible, il y avait juste le poids de l’œuvre qui rentrait dans l’équation. Nous avons effectué des tests afin de s’assurer de la réussite. La conclusion est que cela rendait l’accrochage trop instable dans le temps. Finalement, nous avons opté pour des crochets de maintiens, enfoncés dans le mur et qui tiennent efficacement l’œuvre sur la durée. Ils sont visibles mais ne nuisent en aucun cas à l’intégrité visuelle de l’œuvre. Ainsi, il y a une conciliation parfaite entre exposition et sécurité de l’œuvre.
Avec cet exemple, nous voyons que chaque artiste à sa propre manière de faire. Tous ces artistes doivent avoir leurs œuvres présentées de la meilleure des manières afin de transmettre au mieux leurs volontés artistiques. Il faut voir chaque accrochage comme un challenge personnalisé, où chaque problématique à sa solution.