Les réserves luttent aussi contre la contamination
En ce temps de pandémie, un point sur la santé des œuvres s’impose. Comme nous, elles sont sensibles aux micro-organismes dans tout type de collection. Les personnes en charge de ces réserves doivent alors lutter contre la contamination !
L’art contemporain particulièrement concerné
La diversité des matériaux utilisés par les artistes est un point essentiel à retenir lorsque l’on doit prévenir des dangers de développement de micro-organismes dans une réserve d’art contemporain. Que ce soit pour les insectes ou les champignons, les œuvres de nature organique sont des lieux idéals pour leur développement. Les sculptures contenant du chocolat de Pascale Marthine Tayou, le sang utilisé par Michael Matthys ou les animaux taxidermisés de Claire Morgan sont donc un régal pour ces ravageurs ! Dans les réserves, ces œuvres offrent en effet humidité, chaleur, obscurité et tranquillité qui sont les conditions parfaites pour les insectes et le mycélium.
Les institutions de l’art contemporain sont donc très sensibles à ces questions, comme nous le prouve l’étude menée par Grazia Nicosia pour la revue des patrimoines In situ en septembre 2012. A l’époque, sur les structures spécialisées en art contemporain similaires à la Fondation Francès, de petite ou moyenne taille en terme de réserve ou d’espace d’exposition, 86 % d’entre elles disposaient d’un contrôle thermohygrométrique en réserve, 62% disposaient d’un système de régularisation du climat (les mesures en salle d’exposition suivent la même logique avec un contrôle et une régularisation légèrement moins fréquente).
Cette étude nous démontre par la même occasion que les institutions d’art contemporain, en comparaison avec les institutions ayant d’autres types de collection, sont parmi les mieux équipées en terme de contrôle et de régularisation du climat. La question de ces contaminations est donc un sujet primordial qui est considéré dans notre domaine.
Les moyens de lutte
L’observation et l’entretien des réserves
En plus d’un contrôle du climat, l’une des choses essentielles dans la lutte contre une contamination, comme pour un virus, est la détection rapide. Il faut donc, au maximum, garder un œil sur les réserves, vérifier les pièces régulièrement. A la Fondation Francès, cette mission s’est organisée notamment depuis le mois de février, dans le cadre du récolement de la collection. Il s’agit de déballer, constater et étiqueter chaque œuvre. Ainsi, cela permet notamment d’avoir un contact visuel avec chaque pièce, de rendre compte de l’état général de la collection et éviter ainsi un problème de contamination généralisé.
Freiner le développement de micro-organismes signifie également un entretien au-delà d’une simple observation. Cela sous-entend un dépoussiérage (les microbes aiment la poussière !), parfois même un nettoyage plus approfondi dans le cas d’un encrassement.
Isolement et traitement
Malgré toute l’attention que l’on peut porter sur les œuvres, il peut arriver qu’une pièce, ou un ensemble de pièces soit touché par une contamination. Que faire alors ?
Le premier réflexe, doit être d’isoler les œuvres touchées. Il s’agit évidemment de protéger les autres pièces sensibles à la contamination. On conditionne pour le bien de tous !
Une fois la mise en quarantaine, il faut traiter en fonction du diagnostic. Dans le cas de la présence d’insectes une fumigation ou une anoxie peuvent être par exemple utilisées. Des traitements thermiques par la chaleur ou le froid existent également. Dans le cas du développement de champignons il faut alors évidemment nettoyer (par un restaurateur idéalement) et appliqué un traitement adapté pour empêcher de nouveaux développements.
Et après…
Généralement, la présence d’une pièce contaminée pousse à être plus attentif, à régulariser les contrôles, à entretenir d’avantage ses réserves et parfois même à mieux s’équiper en appareil de contrôle et de régularisation du climat. Elle pousse également à professionnaliser la gestion d’une collection, mettre en place des outils idoines pour la bonne conservation des œuvres. Le développement d’une collection, la diversité des matériaux et des techniques complexifient la tâche. En plus d’accroître une collection il s’agit donc d’accompagner cette croissance par des moyens humains et techniques adéquats, rarement anticipés par des collections privées en construction.
Mais une contamination rend l’investissement tangible, elle rend compte de ces problématiques et de leurs conséquences financières (coût de restauration, de traitement, perte de valeur des œuvres,…) et morales (perte d’un patrimoine culturel et artistique) qui peuvent alors être mesurées et considérées.
Un collectionneur est responsable d’une œuvre, nous pensons qu’il devrait toujours la diffuser, les risques encourus par l’œuvre sont donc plus nombreux, le coût aussi plus onéreux, mais même si les œuvres restent stockées, une collection est un patrimoine vivant qui doit être conservé pour être transmis et témoigner de l’histoire.
Pour aller plus loin
Vade-mecum de la conservation préventive du C2RMF d’Etienne Féau et Nathalie le Dantec (département de la conservation préventive)
Etude réalisée par Grazia Nicosia pour la revue des patrimoines, In Situ en septembre 2012, « Les infestations des collections patrimoniales : goût des insectes et évaluation des risques »
Visuel : Wole Lagunju, Portrait, 2019, pièce unique, encre sur papier Fabriano, 76 x 56 cm – Détail : suspicion d’un développement de micro-organismes sous surveillance © collection Francès