mercredi 01 avril 2020
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Les résines epoxy : les bons usages pour les artistes et les collections

La résine epoxy est une matière récente qui connaît des mises en application multiples en industrie. Privilégiée pour sa résistance mécanique et sa plasticité, les artistes se sont aussi confrontés à cette matière mais celle-ci possède des inconvénients liés à sa conservation.

L’amine n’est pas l’ami du conservateur

L’époxy (ou epoxydes) est le résultat d’un processus de fabrication qui date des années 40 qui renvoie à une grande variété de prépolymères (il s’agit de polymères qui possèdent des réactifs pouvant servir à une polymérisation ultérieure). Il s’agit en effet d’une matière qui s’utilise avec un durcisseur. Les réactifs qui la composent agissent alors au sein de ce mélange pour donner une matière solide.

Ces durcisseurs contiennent de l’amine (dérivé de l’ammoniac) qui jaunissent dans le temps par leur sensibilité aux UV. L’éclairage agit ainsi de la même manière que sur le vernis d’une peinture par exemple. De plus, nous savons que les dégradations de matières par les UV sont irréversibles. Dans le cas d’une peinture, le vernis peut être remplacé par un restaurateur, mais pour une pièce en résine epoxy, la matière dégradée fait partie de la pièce. Il n’y a donc pas d’opération possible sans toucher à l’intégrité même de l’œuvre comme pour la décoloration d’une couche picturale. Ces propriétés constituent un problème pour la conservation des œuvres.

Quelque règles à suivre pour les artistes

Le thermodurcissement de la résine doit respecter certaines règles pour être réalisé en terme de dosage, de climat et de temps de solidification notamment.

Pour le dosage, cela s’explique d’un point de vue moléculaire. Schématiquement, il s’agit lors du dosage de lier chaque molécule à une autre. Chacun en soi doit trouver son couple pour ne pas laisser de matière « vacante » qui ne participerait pas à la cohérence moléculaire de la résine. Ces molécules « non-liées » provoqueraient alors un jaunissement de la matière par leur dégradation accélérée au sein de la pièce.

Pour ce qui est du climat, si le durcissement se fait dans un environnement humide et/ou froid, cela agit sur le temps de séchage évidemment mais également sur la formation de ce qui est appelé l’amine blush. Il s’agit d’une couche bleuâtre qui se forme par dégagement de l’amine à la surface après le durcissement d’une couche de résine. En plus de changer l’aspect d’une pièce, il peut provoquer le jaunissement des couches qui suivent en les surchargeant en amine. Il convient donc d’éliminer l’amine blush entre chaque couche. Pour prendre un exemple au sein de la collection Francès, A boy with a rage monkeyde de Jose Cobo a subi un jaunissement localisé au dos de la sculpture. Il s’agit sans doute d’une zone où une couche de résine a été appliquée sans que l’amine blush de la couche inférieure soit éliminée provoquant ce jaunissement accéléré localisé.

Le temps de séchage doit également être maîtrisé par rapport au climat et au choix de résine en fonction de l’épaisseur appliquée : il s’agit de la loi de l’exotherme, plus une masse de résine est appliquée plus elle nécessite une résine lente à catalyser. Cela doit être respecté à cause de l’échauffement de la matière : plus il y a de masse, et plus il y a de frottements de molécules entre elles. Un échauffement trop rapide d’une masse importante de résine provoquerait un jaunissement et/ou un brunissement de la matière. C’est ce qui se produit notamment sur la même pièce de Jose Cobo évoquée plus haut. Nous avons pu observer un brunissement de la matière générale de la résine.

Un problème difficile à traiter pour les collections

Nous voyons donc ici un ensemble de contraintes qui font de la résine epoxy une matière difficile à utiliser et exigeant des conditions de fabrication idéales pour les œuvres. Or, nous savons que les ateliers d’artistes ne sont évidemment pas conformes aux règles thermohygrométriques scrupuleuses et que les artistes eux-mêmes n’ont pas toujours la connaissance scientifique nécessaire pour l’usage de telles matières.

Sans avancer de chiffre, sauf à considérer que l’intention artistique prenne en compte le vieillissement de la résine epoxy, celle-ci constituera un problème de conservation pour les collections qui pourra difficilement être traité car cela dépend du processus créatif et des conditions de travail des artistes. De surcroît, aucune restauration ne semble, à ce jour, envisageable pour ce type de pièce.

Les seules actions de conservation préventives pouvant être observées sont notamment, au même titre que les peintures, de respecter pour ces œuvres un bon taux d’éclairement.

Pour aller plus loin…

– Dossier sur les résines époxydes à télécharger sur le site technique-ingénieur.fr, dirigé par Pierre Bardonnet et publié en 1992 :https://www.techniques-ingenieur.fr/base-documentaire/materiaux-th11/matieres-thermodurcissables-monographies-42146210/resines-epoxydes-ep-a3465/

– Article : Pourquoi ma résine epoxy jaunit-elle ?, publié en 2018 sur le site resineepoxy.ca :https://resineepoxy.ca/fr/2018/04/09/pourquoi-ma-resine-epoxy-transparente-jaunit-elle/

– Article sur l’amine blush publié sur le site international-yachtpaint.com :https://international-yachtpaint.com/fr/fr/assistance/conseil-peinture-bateau/what-is-amine-blush

 

Visuel : Jose Cobo, A boy with a rag monkey, 2013, pièce unique, résine epoxy, 32 x 46 x 48 cm (détail) © collection Francès